Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/554

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Nani, qui avait dégagé ses mains, tâchait de le calmer, d’un geste paternel, tout en gardant son petit sourire de mépris, pour une telle dépense inutile d’enthousiasme. Il y parvint, il le supplia de s’éloigner. L’orchestre avait repris, au loin. Puis, lorsque le prêtre se retira, en le remerciant encore, il lui dit simplement :

— Mon cher fils, souvenez-vous que, seule, l’obéissance est grande.

Pierre, qui n’avait plus que l’idée de partir, retrouva presque tout de suite Prada, dans la salle des armures. Leurs Majestés venaient de quitter le bal, en grande cérémonie, accompagnées par les Buongiovanni et les Sacco. La reine avait maternellement embrassé Celia, pendant que le roi serrait la main d’Attilio, honneurs d’une bonhomie charmante dont les deux familles rayonnaient. Mais beaucoup d’invités suivaient l’exemple des souverains, s’en allaient déjà par petits groupes. Et le comte, qui paraissait singulièrement énervé, plus âpre et plus amer, était impatient de partir, lui aussi.

— Enfin, c’est vous, je vous attendais. Eh bien ! filons vite voulez-vous ?… Votre compatriote, monsieur Narcisse Habert, m’a prié de vous dire que vous ne le cherchiez pas. Il est descendu, pour accompagner mon amie Lisbeth jusqu’à sa voiture… Moi, décidément, j’ai besoin d’air. Je veux faire un tour à pied, je vais aller avec vous jusqu’à la rue Giulia.

Puis, comme tous deux reprenaient leurs vêtements au vestiaire il ne put s’empêcher de ricaner, en ajoutant de sa voix brutale :

— Je viens de les voir partir tous les quatre ensemble, vos bons amis ; et vous faites bien d’aimer rentrer à pied, car il n’y avait pas de place pour vous dans le carrosse… Cette donna Serafina, quelle belle effronterie, à son âge, de s’être traînée ici, avec son Morano, pour triompher du retour de l’infidèle !… Et les deux autres, les deux jeunes, ah ! j’avoue qu’il m’est difficile de parler