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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/557

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Comme ils devaient se moquer de lui ensemble ! Comme ils s’étaient plu à le ridiculiser en lançant le mensonge de sa prétendue impuissance, dont il se sentait quand même atteint, malgré toutes les preuves qu’il pourrait faire de sa virilité. Sans trop y croire, il les avait accusés d’être amant et maîtresse depuis longtemps, se rejoignant la nuit, n’ayant qu’une alcôve, au fond de ce sombre palais Boccanera, dont les histoires d’amour étaient légendaires. À présent, cela certainement allait être, puisqu’ils étaient libres, déliés au moins du lien religieux. Il les voyait côte à côte sur la même couche, il évoquait des visions brûlantes, leurs étreintes, leurs baisers, le ravissement de leur délire. Ah ! non, ah ! non, c’était impossible, la terre croulerait plutôt !

Puis, comme Pierre et lui quittaient le cours Victor-Emmanuel, pour s’engager parmi les anciennes rues, étranglées et tortueuses, qui conduisent à la rue Giulia, il se revit jetant le billet dans la boîte du palais. Ensuite, il se disait comment les choses devaient se passer. Le billet dormirait jusqu’au matin dans la boîte. Don Vigilio, le secrétaire, qui, sur l’ordre formel du cardinal, gardait la clé de cette boîte, descendrait de bonne heure, trouverait la lettre, la remettrait à Son Éminence, laquelle ne permettait pas qu’on en décachetât aucune. Et les figues seraient jetées, il n’y aurait plus de crime possible, le monde noir ferait le silence. Mais, pourtant, si le billet ne se trouvait pas dans la boîte, que se produirait-il ? Alors, il admit cette supposition, vit nettement les figues arriver sur la table, au dîner d’une heure, dans leur joli petit panier, si coquettement recouvert de feuilles. Dario était là comme de coutume, seul avec son oncle, puisqu’il ne partait pour Naples que le soir. L’oncle et le neveu mangeaient-ils l’un et l’autre des figues, ou bien un seul, et lequel des deux ? Ici, la vision se brouillait, c’était de nouveau le destin en marche, ce destin qu’il avait rencontré sur la route de Frascati, allant à son but inconnu,