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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/558

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sans arrêt possible, au travers des obstacles. Le petit panier de figues allait, allait toujours, à sa besogne nécessaire, qu’aucune main au monde n’était assez forte pour empêcher.

La rue Giulia s’allongeait sans fin, toute blanche de lune, et Pierre sortit comme d’un rêve, devant le palais Boccanera, noir sous le ciel d’argent. Trois heures du matin sonnaient à une église du voisinage. Et il se sentit un petit frisson, en entendant près de lui cette plainte douloureuse de fauve blessé à mort, ce sourd grondement involontaire que le comte, dans sa lutte affreuse, venait de laisser échapper de nouveau.

Mais, tout de suite, il eut un rire qui raillait, il dit en serrant la main du prêtre :

— Non, non, je ne vais pas plus loin… Si l’on me voyait ici, à cette heure, on croirait que je suis retombé amoureux de ma femme.

Il alluma un cigare, et il s’en alla, dans la nuit claire, sans se retourner.