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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/566

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comme devant un dieu, devant la toute-puissance qui menait le monde.

— Oui, oui, bégaya-t-il, la beauté, la beauté, souveraine encore, souveraine toujours… Ah ! que ne peut-elle suffire à rassasier l’éternelle faim des pauvres hommes !

— Bah ! bah ! cria-t-elle joyeusement, il fait bon vivre… Montons dîner, ma tante doit nous attendre.

Le dîner avait lieu à une heure, et les rares fois où Pierre ne mangeait pas dehors, il avait son couvert mis à la table de ces dames, dans la petite salle à manger du second, qui donnait sur la cour, d’une tristesse mortelle. À la même heure, au premier étage, dans la salle ensoleillée dont les fenêtres ouvraient sur le Tibre, le cardinal dînait, lui aussi, très heureux d’avoir pour convive son neveu Dario, car son secrétaire, don Vigilio, son autre convive habituel, ne desserrait les dents que lorsqu’on l’interrogeait. Les deux services étaient absolument distincts, ni la même cuisine, ni le même personnel ; et il n’existait guère de commune, en bas, qu’une grande pièce servant d’office.

Mais la salle à manger du second avait beau être morne, attristée par le demi-jour verdâtre de la cour, le déjeuner de ces dames et du jeune prêtre fut très gai. Donna Serafina, si rigide d’ordinaire, semblait elle-même détendue par une grande félicité intérieure. Sans doute elle n’avait pas encore épuisé les délices de son triomphe de la veille, au bras de Morano, à ce bal ; et ce fut elle qui parla de la soirée la première, pleine d’éloges, bien que la présence du roi et de la reine l’eût beaucoup gênée, disait-elle. Elle raconta comme quoi, par une tactique savante, elle avait évité de se faire présenter. D’ailleurs, elle espérait que son affection bien connue pour Celia, dont elle était la marraine, suffirait à expliquer sa présence dans ce salon neutre, où tous les pouvoirs s’étaient coudoyés. Elle devait pourtant garder un scrupule, car elle annonça que, tout de suite après le déjeuner, elle comptait sortir,