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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/567

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pour se rendre au Vatican, chez le cardinal secrétaire, à qui elle désirait parler d’une œuvre dont elle était dame patronnesse. Cette visite de compensation, le lendemain de la soirée des Buongiovanni, devait lui sembler indispensable. Jamais elle n’avait brûlé de plus de zèle, ni de plus d’espoir, à propos du prochain avènement de son frère, le cardinal, au trône de saint Pierre : c’était, pour elle, un suprême triomphe, une exaltation de sa race, que son orgueil du nom jugeait nécessaire et inévitable ; et, pendant la dernière indisposition du pape régnant, elle avait poussé les choses jusqu’à s’inquiéter du trousseau qu’elle voulait faire marquer aux armes du nouveau pontife.

Benedetta ne cessa de plaisanter, riant de tout, parlant de Celia et d’Attilio avec la tendresse passionnée d’une femme dont le bonheur d’amour se plaît au bonheur d’un couple ami. Puis, comme on venait de servir le dessert, elle s’adressa au valet, d’un air de surprise :

— Eh bien ? Giacomo, et les figues ?

Celui-ci, avec ses gestes lents, comme endormis, la regarda sans comprendre. Heureusement, Victorine traversait la pièce.

— Et les figues, Victorine, pourquoi ne nous les sert-on pas ?

— Quelles figues donc, contessina ?

— Mais les figues que j’ai vues ce matin à l’office, par où j’ai eu la curiosité de passer en allant au jardin… Des figues superbes, dans un petit panier. Même, je me suis étonnée qu’il pût encore y en avoir, en cette saison… Je les aime bien, moi. Je m’étais régalée à l’avance, en songeant que j’en mangerais au dîner.

Victorine se mit à rire.

— Ah ! contessina, je sais, je sais… Ce sont les figues que ce prêtre de Frascati, vous vous rappelez, le curé de là-bas, est venu, hier soir, déposer en personne pour Son Éminence. J’étais là, il a répété à trois reprises que c’était un cadeau, qu’il fallait le mettre sur la table de