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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/570

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saison, des fruits sur ce fameux figuier de Frascati. Cela tenait sans doute à l’exposition de l’arbre, au grand mur qui le protégeait.

— Ah ! vous avez vu le fameux figuier ? demanda Benedetta.

— Mais oui, j’ai même voyagé avec les figues qui vous ont fait tant d’envie.

— Comment cela, voyagé avec les figues ?

Déjà, il regrettait la parole qui venait de lui échapper. Puis, il préféra tout dire.

— J’ai rencontré là-bas quelqu’un qui était venu en voiture et qui a voulu absolument me ramener à Rome. En route, nous avons recueilli le curé Santobono, parti à pied pour faire le chemin, très gaillardement, avec son panier… Même nous nous sommes arrêtés un instant dans une osteria.

Il continua, conta le voyage, dit ses impressions vives, au travers de la Campagne romaine, envahie par le crépuscule. Mais Benedetta le regardait fixement, prévenue, renseignée, n’ignorant pas les fréquentes visites que Prada faisait, là-bas, à ses terrains et à ses constructions.

— Quelqu’un, quelqu’un, murmura-t-elle, le comte, n’est-ce pas ?

— Oui, madame, le comte, répondit simplement Pierre. Je l’ai revu cette nuit, il était bouleversé, et il faut le plaindre.

Les deux femmes ne se blessèrent pas, tellement cette parole charitable du jeune prêtre était dite avec une émotion profonde et naturelle, dans le débordement d’amour qu’il aurait voulu épandre sur les êtres et sur les choses. Donna Serafina resta immobile, comme si elle affectait de n’avoir pas même entendu ; tandis que Benedetta, d’un geste, sembla dire qu’elle n’avait à témoigner ni pitié ni haine pour un homme qui lui était devenu complètement étranger. Cependant, elle ne riait plus, elle