Aller au contenu

Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/573

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

catastrophe. Toutes les portes étaient restées grandes ouvertes, on voyait en enfilade le cabinet de toilette, puis le couloir, au bout duquel la salle à manger apparaissait dans son désordre de pièce abandonnée soudainement, avec la table servie encore, les serviettes jetées, les chaises repoussées. Cependant, on ne s’effarait toujours pas.

Benedetta fit, à voix haute, la réflexion habituelle en pareil cas.

— Pourvu que vous n’ayez rien mangé de mauvais !

D’un autre geste, en souriant, le cardinal dit la sobriété ordinaire de sa table.

— Oh ! des œufs, des côtelettes d’agneau, un plat d’oseille, ce n’est pas ce qui a pu lui charger l’estomac. Moi, je ne bois que de l’eau pure ; lui, prend deux doigts de vin blanc… Non, non, la nourriture n’y est pour rien.

— Et puis, se permit de faire remarquer don Vigilio, Son Éminence et moi, nous serions également indisposés.

Dario, qui avait un moment fermé les yeux, les rouvrit, respira fortement de nouveau, en s’efforçant de rire.

— Allons, allons ! ce ne sera rien, je me sens déjà beaucoup plus à l’aise. Il faut que je me remue.

— Alors, reprit Benedetta, écoute le projet que j’ai fait… Tu vas me prendre en voiture, avec monsieur l’abbé Froment, et tu nous conduiras dans la Campagne, très loin.

— Volontiers ! Elle est gentille, ton idée… Victorine, aidez-moi donc.

Il s’était soulevé, en s’aidant péniblement du poignet. Mais, avant que la servante se fût avancée, il eut une légère convulsion, il retomba, comme foudroyé par une syncope. Ce fut le cardinal, resté au bord du lit, qui le reçut dans ses bras, tandis que la contessina, cette fois, perdait la tête.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! ça le reprend… Vite, vite, il faut le médecin.