Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/578

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de voir entrer tout ce monde, très sage, tournant la tête à demi pour mieux étudier ces gens, de son œil rond et scrutateur.

Des minutes interminables s’écoulèrent, dans l’attente fébrile de ce qui se passait au fond de la chambre voisine. Don Vigilio s’était silencieusement assis à l’écart, tandis que Benedetta et Pierre, restés debout, se taisaient eux aussi, immobiles. Et le cardinal avait repris sa marche sans fin, ce piétinement instinctif et berceur, par lequel il semblait vouloir tromper son impatience, arriver plus vite à l’explication qu’il cherchait obscurément, au milieu d’une effroyable tempête d’idées. Pendant que son pas rythmé sonnait avec une régularité machinale, c’était en lui une fureur sombre, une recherche exaspérée du pourquoi et du comment, une extraordinaire confusion des mouvements les plus extrêmes et les plus contraires. Mais déjà, à deux reprises, en passant, il avait promené son regard sur la débandade de la table, comme s’il y avait quêté quelque chose. Était-ce, peut-être, ce café inachevé ? ce pain dont les miettes traînaient encore ? ces côtelettes d’agneau dont il restait un os ? Puis, au moment où, pour la troisième fois, il passait en regardant, ses yeux rencontrèrent le panier de figues ; et il s’arrêta net, sous le coup d’une révélation soudaine. L’idée l’avait saisi, l’envahissait, sans qu’il sût quelle expérience faire pour que le brusque soupçon se changeât en certitude. Un instant, il resta ainsi, combattu, ne trouvant pas, les yeux fixés sur ce panier. Enfin, il prit une figue, l’approcha, comme pour l’examiner de tout près. Mais elle n’offrait rien de particulier, il allait la remettre parmi les autres, lorsque Tata, la perruche, qui adorait les figues, poussa un cri strident. Et ce fut une illumination, l’expérience cherchée qui s’offrait.

Lentement, de son air sérieux, le visage noyé d’ombre, le cardinal porta la figue à la perruche, la lui donna, sans une hésitation ni un regret. C’était une très jolie