Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/613

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rouge du petit trône flamber d’un brusque incendie, dans la paix morte où elle dormait.

Alors, il préféra marcher à pas étouffés, trop frémissant pour rester immobile. Ce monsieur Squadra, il se souvenait maintenant d’en avoir entendu parler par Narcisse : tout un gros personnage, l’homme le plus important, le plus influent, le valet de chambre bien-aimé de Sa Sainteté, qui seul pouvait la décider, les jours de réception, à mettre une soutane blanche propre, si celle qu’elle portait se trouvait par trop salie de tabac. Sa Sainteté s’obstinait également à s’enfermer chaque nuit toute seule dans sa chambre, sans vouloir que personne couchât près d’elle, par indépendance, on disait aussi par inquiétude d’avare, qui entend dormir seul avec son trésor ; ce qui causait de continuelles inquiétudes, car il n’était guère raisonnable qu’un vieillard de cet âge se barricadât de la sorte ; et monsieur Squadra couchait seulement dans une pièce voisine, mais l’oreille aux aguets, toujours prêt à répondre au plus léger appel. C’était lui encore qui intervenait avec respect, lorsque Sa Sainteté veillait trop tard, travaillait trop. Sur ce point pourtant, elle entendait difficilement raison, se relevait durant les heures d’insomnie, l’envoyait réveiller un secrétaire, pour dicter des notes, jeter sur le papier un projet d’encycliques. Quand la rédaction d’une encyclique la passionnait, elle y aurait passé les jours et les nuits, de même que jadis, quand elle se piquait de belle versification latine, l’aube la surprenait parfois en train de polir une strophe. Elle dormait fort peu, en proie à un continuel travail, d’une activité cérébrale extraordinaire, toujours hantée par la réalisation de quelque volonté ancienne. La mémoire seule avait un peu faibli, dans les derniers temps. Et peut-être bien que monsieur Squadra venait de trouver Sa Sainteté plus souffrante, à la suite d’un excès de travail, puisque, la veille encore, on la disait si malade, et que le plus souvent, d’ailleurs, elle dédaignait de se soigner.