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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/642

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était un des leurs, un instrument docile entre leurs souples mains de conquête sociale ? Lui aussi pactisait avec le siècle, allait au monde, consentait à le flatter, pour le posséder. Pierre n’avait jamais senti si cruellement que l’Église en était désormais réduite là, à ne vivre que de concessions et de diplomatie. Et il avait enfin la vue claire de ce clergé romain, si difficile d’abord à comprendre pour un prêtre français, de ce gouvernement de l’Église, représenté par le pape, ses cardinaux, ses prélats, que Dieu en personne a chargés d’administrer ici-bas son domaine, les hommes et la terre. Ils commencent par mettre Dieu de côté, au fond du tabernacle, ne tolérant plus qu’on le discute, imposant les dogmes comme les vérités de son essence, mais eux-mêmes ne s’embarrassant plus de lui, ne s’amusant plus à prouver son existence par de vaines discussions théologiques. Évidemment il existe, puisqu’ils gouvernent en son nom. Cela suffit. Dès lors, ils sont au nom de Dieu les maîtres, consentant bien à signer des concordats pour la forme, mais ne les observant pas, ne pliant que devant la force, réservant toujours leur souveraineté finale, qui un jour triomphera. Dans l’attente de ce jour, ils agissent en simples diplomates, ils organisent la lente conquête en fonctionnaires du Dieu triomphant de demain, et la religion n’est ainsi que l’hommage public qu’ils lui rendent, avec l’apparat, la magnificence qui gagne les foules, dans l’unique but de le faire régner sur l’humanité ravie et conquise, ou plutôt de régner en son lieu et place, puisqu’ils sont ses représentants visibles, délégués par lui. Ils descendent du droit romain, ils ne sont toujours que les enfants de ce vieux sol païen de Rome, et s’ils ont duré, s’ils comptent durer éternellement, jusqu’à l’heure espérée où l’empire du monde leur sera rendu, c’est qu’ils sont les héritiers directs des Césars, drapés dans leur pourpre, ligne ininterrompue et vivante du sang d’Auguste.

Pierre, alors, eut honte de ses larmes. Ah ! ses pauvres