Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/643

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nerfs, ses abandons de sentimental et d’enthousiaste ! Une pudeur lui venait, comme s’il s’était montré là dans la nudité de son âme. Et si inutilement, grand Dieu ! au fond de cette chambre où jamais rien ne s’était dit de semblable, devant ce pontife roi qui ne pouvait l’entendre ! Cette idée politique des papes, de régner par les humbles et par les pauvres, lui faisait horreur. N’était-ce pas la conciliation du loup, cette pensée d’aller au peuple, débarrassé de ses anciens maîtres, pour s’en nourrir à son tour ? Et il avait dû être fou, en vérité, le jour où il s’était imaginé qu’un prélat romain, un cardinal, un pape, étaient capables d’admettre le retour à la communauté chrétienne, une floraison nouvelle du christianisme primitif pacifiant les peuples vieillis, que la haine dévore. Une pareille conception ne pouvait même tomber sous le sens d’hommes qui, depuis des siècles, vivaient en maîtres du monde, pleins d’un mépris insoucieux des petits et des souffrants, frappés à la longue d’une totale impuissance de charité et d’amour.

Mais Léon XIII, de sa grosse voix intarissable, parlait toujours. Et le prêtre l’entendit qui disait :

— Pourquoi avez-vous écrit sur Lourdes cette page entachée d’un si mauvais esprit ? Lourdes, mon fils, a rendu de grands services à la religion. J’ai souvent exprimé aux personnes qui sont venues me raconter les touchants miracles, presque quotidiens à la Grotte, mon vif désir de voir ces miracles confirmés, établis par la science la plus rigoureuse. Et, d’après ce que j’ai lu, il me semble qu’aujourd’hui les esprits malveillants ne sauraient douter davantage, car les miracles sont désormais prouvés scientifiquement d’une façon irréfutable… La science, mon fils, doit être la servante de Dieu. Elle ne peut rien contre lui, et c’est par lui seul qu’elle arrive à la vérité. Toutes les solutions qu’on prétend trouver actuellement et qui paraissent détruire les dogmes, seront forcément reconnues fausses un jour, car la vérité de Dieu