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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/683

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traitait toutes ces histoires d’abominables inventions, il jurait de le garder, rien que pour montrer son dédain de la calomnie. Et elle avait dû se taire.

Dans un retour de son frisson, don Vigilio s’était de nouveau couvert le visage de ses deux mains.

— Ah ! Paparelli, Paparelli !

Et il bégayait de sourdes invectives : le louche hypocrite de modestie et d’humilité, le vil espion chargé au palais de tout voir, de tout écouter, de tout pervertir, l’insecte immonde et destructeur, maître des plus nobles proies, dévorant la crinière du lion, le Jésuite, le Jésuite valet et tyran, dans son horreur basse, dans sa besogne de vermine triomphante !

— Calmez-vous, calmez-vous, répétait Pierre, qui, tout en faisant la part de l’exagération folle, était envahi lui-même par ce frisson de l’inconnu redoutable, des choses menaçantes et vagues qu’il sentait s’agiter réellement au fond de l’ombre.

Mais don Vigilio, depuis qu’il avait failli manger des terribles figues, depuis que la foudre était tombée près de lui, en avait gardé ce tremblement, cet effroi éperdu que rien ne pouvait plus calmer. Même seul, la nuit, couché, la porte verrouillée, des terreurs le prenaient, le faisaient se cacher sous le drap, en étouffant des cris, comme si des hommes allaient entrer par le mur, pour l’étrangler.

Il reprit, essoufflé, d’une voix défaillante, ainsi qu’au sortir d’une lutte :

— Je le disais bien, le soir où nous avons causé dans votre chambre, enfermés pourtant à triple tour… J’avais tort de vous parler librement d’eux, de me soulager le cœur, en vous racontant tout ce dont ils sont capables. J’étais certain qu’ils le sauraient, et vous voyez qu’ils l’ont su, puisqu’ils ont voulu me tuer… Tenez ! en ce moment même, j’ai tort de vous dire cela, parce qu’ils vont le savoir, et que cette fois ils ne me manqueront