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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/689

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si certaine du paradis, enfermée pour son bien dans ce corps immonde, avoir la bienheureuse humilité de cette intelligence, de ce théologien remarquable qui se battait de verges tous les matins et qui consentait à n’être que le plus infime des domestiques !

Debout, tassé dans sa graisse livide, l’abbé Paparelli surveillait Pierre de ses petits yeux gris, clignotant au milieu des mille plis de sa face. Et celui-ci commençait à être pris de malaise, en se demandant ce que les deux Éminences pouvaient bien se dire enfermées si longtemps ensemble. Quelle entrevue encore que celle de ces deux hommes, si Boccanera soupçonnait, chez Sanguinetti, l’évêque qui avait Santobono dans sa clientèle ! Quelle sérénité d’audace, chez l’un, d’avoir osé se présenter, et quelle force d’âme, chez l’autre, quel empire sur soi-même, au nom de la sainte religion, d’éviter le scandale, en se taisant, en acceptant la visite comme une simple marque d’estime et d’affection ! Mais que pouvaient-ils bien se dire ? Combien cela aurait été passionnant de les voir en face l’un de l’autre, de les entendre échanger les paroles diplomatiques qui convenaient à une pareille entrevue, tandis que leurs âmes grondaient de furieuse haine !

Brusquement, la porte se rouvrit, le cardinal Sanguinetti reparut, la face calme, pas plus rouge qu’à l’habitude, décolorée même un peu, et gardant la plus juste mesure dans la tristesse qu’il jugeait bon de montrer. Seuls, ses yeux turbulents, qui viraient toujours, décelaient sa joie d’être débarrassé d’une corvée fort lourde en somme. Il s’en allait, dans son espoir, comme l’unique pape désormais possible.

L’abbé Paparelli s’était précipité.

— Si Son Éminence veut bien me suivre….Je vais reconduire Son Éminence…

Et, se tournant vers Pierre :

— Vous pouvez entrer, maintenant.

Pierre les regarda disparaître, l’un si humble, derrière