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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/691

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— Je supplie Votre Éminence de croire à mon chagrin profond. J’ai été chez elle comblé de bontés, j’ai tenu à lui dire tout de suite combien cette perte irréparable…

Mais, d’un geste vaillant, le cardinal le fit taire.

— Non, non, ne dites rien, de grâce, ne dites rien !

Et un silence régna, tandis qu’il pleurait toujours, secoué par sa lutte, attendant de redevenir assez fort, pour se vaincre. Enfin, il dompta son frisson, il dégagea lentement sa face, peu à peu apaisée, redevenue celle d’un croyant fort de sa foi, soumis à la volonté de Dieu. Puisque Dieu s’était refusé à faire un miracle, puisqu’il frappait si durement sa maison, il avait ses raisons sans doute, et lui, un de ses ministres, un des hauts dignitaires de sa cour terrestre, n’avait qu’à s’incliner.

Le silence se prolongea un moment encore. Puis, d’une voix qu’il avait réussi à rendre naturelle et obligeante :

— Vous nous quittez, vous partez demain, mon cher fils ?

— Oui, demain, j’aurai l’honneur de prendre congé de Votre Éminence, en la remerciant une fois encore de sa bienveillance inépuisable.

— Alors, vous avez su que la congrégation de l’Index avait condamné votre livre, comme cela était inévitable ?

— Oui, j’ai eu l’insigne faveur d’être reçu par Sa Sainteté, et c’est devant elle que je me suis soumis et que j’ai réprouvé mon œuvre.

Une flamme commença à remonter aux yeux humides du cardinal.

— Ah ! vous avez fait cela, ah ! vous avez bien agi, mon cher fils ! Ce n’était que votre devoir strict de prêtre, mais il y en a tant de nos jours qui ne font pas même leur devoir !… Comme membre de la congrégation, j’ai tenu la parole que je vous avais donnée, de lire