Aller au contenu

Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/692

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

votre livre, d’en étudier soigneusement surtout les pages visées par l’accusation. Et si, ensuite, je suis resté neutre, si j’ai affecté de me désintéresser de l’affaire, jusqu’à manquer la séance où elle a été jugée, ce n’a été que pour faire plaisir à ma pauvre chère nièce, qui vous aimait, qui vous défendait près de moi…

Les larmes le reprenant, il s’interrompit, il sentit qu’il allait défaillir encore, s’il évoquait le souvenir de Benedetta, l’adorée, la regrettée. Aussi fut-ce avec une âpreté batailleuse qu’il continua.

— Mais quel livre exécrable, mon cher fils, permettez-moi de le dire ! Vous m’aviez affirmé que vous étiez respectueux du dogme, et je me demande encore par quelle aberration vous aviez pu tomber dans un aveuglement tel, que la conscience même de votre crime vous échappait. Respectueux du dogme, grand Dieu ! lorsque l’œuvre entière est la négation même de toute notre sainte religion… Vous n’aviez donc pas senti qu’en demandant une religion nouvelle, c’était condamner absolument l’ancienne, la seule vraie, la seule bonne, la seule éternelle. Et cela suffisait pour faire de votre livre le plus mortel des poisons, un de ces livres infâmes qu’on brûlait autrefois par la main du bourreau, qu’on laisse forcément circuler de nos jours, après l’avoir interdit et désigné par là même aux curiosités perverses, ce qui explique la pourriture contagieuse du siècle… Ah ! que j’ai bien reconnu là les idées de notre distingué et poétique parent, ce cher vicomte Philibert de la Choue ! Un homme de lettres, oui ! un homme de lettres ! De la littérature, rien que de la littérature ! Je prie Dieu de lui pardonner, car il ne sait sûrement pas ce qu’il fait ni où il va, avec son christianisme d’élégie pour les ouvriers beaux parleurs et pour les jeunes gens des deux sexes dont la science a rendu l’âme vague. Et je ne garde ma colère que contre Son Éminence le cardinal Bergerot, car celui-ci sait ce qu’il fait, fait ce qu’il veut… Ne dites rien,