Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/703

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que monsieur le comte avait une réunion avec des entrepreneurs. Puisque monsieur l’abbé venait voir le père de monsieur le comte, il n’avait d’ailleurs qu’à monter au troisième étage. La petite porte, à droite sur le palier.

Mais, au premier étage, Pierre se trouva brusquement face à face avec Prada, qui recevait ses entrepreneurs. Et il remarqua qu’il devenait, en le reconnaissant, d’une pâleur affreuse. Depuis l’épouvantable drame, ils ne s’étaient pas revus. Aussi le prêtre comprit-il quel trouble sa présence éveillait chez cet homme, quel souvenir importun de complicité morale, quelle mortelle inquiétude d’avoir été deviné.

— Vous venez me voir, vous avez quelque chose à me dire ?

— Non, je pars, je viens faire mes adieux à votre père.

La pâleur de Prada s’accrut, un frémissement agita toute sa face.

— Ah ! c’est pour mon père… Il est un peu souffrant, ménagez-le.

Et son angoisse confessait clairement, malgré lui, tout ce qu’il redoutait, une parole imprudente, peut-être même une mission dernière, la malédiction de cet homme et de cette femme qu’il avait tués. Sûrement, son père en serait mort, lui aussi.

— Ah ! est-ce contrariant, je ne puis monter avec vous ! Ces messieurs sont là qui m’attendent… Mon Dieu ! que je suis contrarié ! Dès que je vais le pouvoir, je vous rejoindrai, oh ! tout de suite, tout de suite !

Ne sachant comment l’arrêter, il fallait bien qu’il le laissât se trouver seul avec son père, pendant que lui-même restait là, cloué par ses affaires d’argent, qui périclitaient. Mais de quels yeux de détresse il le regarda monter, comme il le suppliait de tout son frisson ! Son père, le seul amour véritable, la grande passion pure et fidèle de sa vie !

— Ne le faites pas trop parler, égayez-le, n’est-ce pas ?