Aller au contenu

Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/706

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

comptons en Italie. Un brave petit au fond, qui n’a plus que sa mère, qui la soutient, grâce au maigre emploi qu’il occupe et d’où il va se faire chasser, un de ces beaux matins… Voyons, voyons, mon enfant, il faut que tu me promettes d’être raisonnable.

Alors, Angiolo, dont les vêtements usés et propres disaient en effet la misère décente, répondit d’une voix grave, musicale :

— Je suis raisonnable, ce sont les autres, tous les autres qui ne le sont pas. Quand tous les hommes seront raisonnables, voudront la vérité et la justice, le monde sera heureux.

— Ah ! si vous croyez qu’il cédera ! cria Orlando. Ah ! mon pauvre enfant, la justice, la vérité, demande à monsieur l’abbé si l’on sait jamais où elles sont. Enfin, il faut te laisser le temps de vivre, de voir et de comprendre !

Et, sans plus s’occuper de lui, il revint à Pierre. Mais Angiolo resta dans son coin, l’air très sage, les yeux ardemment fixés sur les interlocuteurs, les oreilles ouvertes et frémissantes, ne perdant pas une de leurs paroles.

— Je vous l’avais bien dit, mon cher monsieur Froment, que vos idées changeraient et que la connaissance de Rome vous amènerait à des opinions plus exactes, beaucoup mieux que tous les beaux discours dont j’aurais tâché de vous convaincre. Ainsi je n’ai jamais douté que vous retireriez votre livre, de votre plein gré, comme une erreur fâcheuse, dès que les choses et les hommes vous auraient renseigné sur le Vatican… Mais, n’est-ce pas ? mettons le Vatican de côté, il n’y a là rien à faire, qu’à le laisser crouler, dans sa ruine lente et inévitable. Ce qui m’intéresse, moi, ce qui me passionne encore, c’est la Rome italienne, notre Rome si amoureusement conquise, si fiévreusement ressuscitée, que vous traitiez en quantité négligeable, et que vous avez vue, et dont nous pouvons parler en gens qui se comprennent, maintenant que vous la connaissez.