fondre avec le Nord, toute une génération de travailleurs grandir ; et, puisque le sol y est si fertile, il faudra bien qu’un jour la grande moisson attendue pousse et mûrisse au brûlant soleil !
L’enthousiasme le soulevait, toute une fougue de jeunesse enflammait ses yeux. Pierre souriait, était gagné ; et, quand il put parler, il dit à son tour :
— Il faut reprendre le problème par le bas, par le peuple. Il faut faire des hommes.
— Parfaitement, c’est cela ! cria Orlando. Je ne cesse de le répéter, il faut faire l’Italie. On dirait qu’un vent d’est ait emporté ailleurs, loin de notre vieille terre, la semence humaine, la semence des peuples vigoureux et puissants. Notre peuple, comme le vôtre, en France, n’est pas un réservoir d’hommes et d’argent, où l’on puise à mains pleines. C’est ce réservoir inépuisable que je voudrais voir se créer chez nous. Et c’est donc par en bas qu’il faut agir, oui ! des écoles partout, l’ignorance pourchassée, la brutalité et la paresse combattues à coups de livres, l’instruction intellectuelle et morale nous donnant le peuple travailleur dont nous avons besoin, si nous ne voulons pas disparaître du concert des grandes nations. Je le dis encore, pour qui donc avons-nous travaillé en reprenant Rome, en voulant lui refaire une troisième gloire, si ce n’est pour la démocratie de demain ? et comme on s’explique que tout s’y effondre, que rien n’y veut plus pousser avec vigueur, du moment que cette démocratie y est radicalement absente… Oui, oui ! la solution du problème n’est pas ailleurs, faire un peuple, faire une démocratie italienne !
Pierre s’était calmé, inquiet, n’osant dire qu’une nation ne se modifiait pas facilement, que l’Italie était ce que le sol, l’histoire la race, l’avaient faite, et que vouloir la transformer toute, d’un coup, pouvait être une besogne dangereuse. Les peuples, comme les créatures, n’ont-ils pas une jeunesse active, un âge mûr resplendissant, une