Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/746

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avec un pan de l’abside, que cinq des colonnes de la nef centrale, supportant encore un morceau de l’entablement. Mais surtout les quatre piliers de la croisée, qui avaient porté le dôme, les piliers cyclopéens se dressaient toujours, isolés et superbes, parmi les écroulements voisins, l’air indestructible. Des brumes épaissies roulèrent leur flot, mille années sans doute passèrent encore, et plus rien ne resta. Maintenant, l’abside, les dernières colonnes, les piliers géants eux-mêmes étaient abattus. Le vent en avait emporté la poussière, il aurait fallu fouiller le sol, pour retrouver sous les orties et les ronces, quelques fragments de statues brisées, des marbres gravés d’inscriptions, sur le sens desquelles les savants ne pouvaient s’entendre. Comme autrefois, au Capitole, parmi les décombres enfouis du temple de Jupiter, des chèvres grimpaient, se nourrissaient des buissons, dans la solitude, dans le grand silence des lourds soleils d’été, empli du seul bourdonnement des mouches.

Alors seulement, Pierre sentit en lui l’écroulement suprême. C’était bien fini, la science était victorieuse, il ne demeurait rien du vieux monde. Être le grand schismatique, le réformateur attendu, à quoi bon ? N’était-ce pas édifier un autre rêve ? Seule, l’éternelle lutte de la science contre l’inconnu, son enquête qui traquait, qui réduisait sans cesse chez l’homme la soif du divin, lui semblait importer à présent, le laissait dans l’attente de savoir si elle triompherait jamais au point de suffire un jour à l’humanité, en rassasiant tous ses besoins. Et, dans le désastre de son enthousiasme d’apôtre, en face des ruines qui comblaient son être, sa foi morte, son espoir mort d’utiliser le vieux catholicisme pour le salut social et moral, il n’était plus tenu debout que par la raison. Elle avait fléchi un moment. S’il avait rêvé son livre, s’il venait de traverser cette seconde et terrible crise, c’était que le sentiment l’avait de nouveau chez lui emporté sur la raison. Sa mère s’était mise à pleurer en son cœur, devant