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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/749

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Mais, à cette fenêtre, en face de cette Rome envahie d’ombre, submergée sous les brumes dont le flot semblait en raser les édifices, ses réflexions étaient devenues si profondes, qu’il n’entendit pas une voix qui l’appelait. Il fallut qu’une main le touchât à l’épaule.

— Monsieur l’abbé, monsieur l’abbé…

Et, comme il se tournait enfin, Victorine lui dit :

— Il est neuf heures et demie. Le fiacre est en bas, Giacomo a déjà descendu les bagages… Il faut partir, monsieur l’abbé.

Puis, le voyant battre des paupières, effaré encore, elle eut un sourire.

— Vous faisiez vos adieux à Rome. Un bien vilain ciel.

— Oui, bien vilain, dit-il simplement.

Alors, ils descendirent. Il lui avait remis un billet de cent francs pour qu’elle le partageât avec les domestiques. Et elle s’était excusée de prendre la lampe et de le précéder, parce que, expliquait-elle, on y voyait à peine clair, tant le palais était noir, cette nuit-là.

Ah ! ce départ, cette descente dernière, au travers du palais noir et vide, Pierre en eut le cœur bouleversé ! Il avait donné, autour de sa chambre, ce coup d’œil d’adieu qui le désespérait toujours, qui laissait là un peu de son âme arrachée, même quand il quittait une pièce où il avait souffert. Puis, devant la chambre de don Vigilio, d’où ne sortait qu’un silence frissonnant, il se l’imagina la tête au fond de l’oreiller, retenant son souffle, de peur que son souffle ne parlât encore, ne lui attirât des vengeances. Mais ce fut surtout, sur les paliers du second étage et du premier, en face des portes closes de donna Serafina et du cardinal, qu’il frémit de ne rien entendre, pas même un souffle, comme s’il passait devant des tombes. Depuis leur rentrée du convoi, ils n’avaient pas donné signe de vie, enfermés, disparus, immobilisant avec eux la maison entière, sans qu’on pût y surprendre le