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Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/81

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rester parmi nous ? demanda une voix courtoise, d’un timbre doux et clair.

C’était monsignor Nani, assis dans l’ombre, qui parlait haut pour la première fois. À diverses reprises, Pierre avait cru s’apercevoir que le prélat ne le quittait pas de ses yeux bleus, très vifs, tandis qu’il semblait écouter attentivement le lent bavardage de la tante de Celia. Et, avant de répondre, il le regarda dans sa soutane lisérée de cramoisi, l’écharpe de soie violette serrée à la taille, l’air jeune encore bien qu’il eût dépassé la cinquantaine, avec ses cheveux restés blonds, son nez droit et fin, sa bouche du dessin le plus délicat et le plus ferme, aux dents admirablement blanches.

— Mais, monseigneur, une quinzaine de jours, trois semaines peut-être.

Le salon entier se récria. Comment ! trois semaines ? Il avait la prétention de connaître Rome en trois semaines ! Il fallait six mois, un an, dix ans ! L’impression première était toujours désastreuse ; et, pour en revenir, cela demandait un long séjour.

— Trois semaines ! répéta donna Serafina de son air de dédain. Est-ce qu’on peut s’étudier et s’aimer, en trois semaines ? Ceux qui nous reviennent, ce sont ceux qui ont fini par nous connaître.

Nani, sans s’exclamer avec les autres, s’était d’abord contenté de sourire. Il avait eu un petit geste de sa main fine, qui trahissait son origine aristocratique. Et, comme Pierre, modestement, s’expliquait, disait que, venu pour faire certaines démarches, il partirait lorsque ces démarches seraient faites, le prélat conclut, en souriant toujours :

— Oh ! monsieur l’abbé restera plus de trois semaines, nous aurons le bonheur, j’espère, de le posséder longtemps.

Bien que dite avec une tranquille obligeance, cette phrase troubla le jeune prêtre. Que savait-on, que voulait-