Page:Zola - Les Trois Villes - Rome, 1896.djvu/83

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sévère, tous s’étaient remis à l’écouter, au milieu d’une surprise croissante, d’un froid de glace, qu’il ne sentait pas.

Doucement, Nani finit par l’interrompre, avec son éternel sourire, dont la pointe d’ironie ne se montrait même plus.

— Sans doute, sans doute, mon cher fils, c’est très beau, oh ! très beau, tout à fait digne de l’imagination pure et noble d’un chrétien… Mais que comptez-vous faire, maintenant ?

— Aller droit au Saint-Père, pour me défendre.

Il y eut un léger rire réprimé, et donna Serafina exprima l’avis général, en s’écriant :

— On ne voit pas comme ça le Saint-Père !

Mais Pierre se passionna.

— Moi, j’espère bien que je le verrai… Est-ce que je n’ai pas exprimé ses idées ? Est-ce que je n’ai pas défendu sa politique ? Est-ce qu’il peut laisser condamner mon livre, où je crois m’être inspiré du meilleur de lui-même ?

— Sans doute, sans doute, se hâta de répéter Nani, comme s’il eût craint qu’on ne brusquât trop les choses avec ce jeune enthousiaste. Le Saint-Père est d’une intelligence si haute ! Et il faudra le voir… Seulement, mon cher fils, ne vous excitez pas de la sorte, réfléchissez un peu, prenez votre heure…

Puis, se tournant vers Benedetta :

— N’est-ce pas ? Son Éminence n’a pas encore vu monsieur l’abbé. Dès demain matin, il faudra qu’elle daigne le recevoir, pour le diriger de ses sages conseils.

Jamais le cardinal Boccanera ne montait assister aux réceptions de sa sœur, le lundi soir. Il était toujours là, en pensée, comme le maître absent et souverain.

— C’est que, répondit la contessina en hésitant, je crains bien que mon oncle ne soit pas dans les idées de monsieur l’abbé.