Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/101

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jusque sous le fourneau. Ce sang commençait à se cailler.

Cependant le médecin furetait. Dès le seuil, il avait tout compris, il était entré dans une véritable colère.

— Quel homme ! quel homme ! murmurait-il. Il a tout détruit, tout saccagé… Ah ! si j’avais été là, je l’aurais attaché comme un fou furieux.

Et se tournant vers Guillaume :

— Votre père était une grande intelligence. Il devait avoir fait d’admirables découvertes. Et voyez ce qu’il en a laissé ! C’est de la folie, de la pure folie… Comprenez-vous cela ? Un savant qui aurait pu être de l’Institut et qui a préféré garder pour lui le résultat de ses travaux !… Encore si je dénichais un de ses manuscrits, je le publierais, et cela nous ferait honneur, à lui et à moi.

Il alla fouiller le tas de papiers, sans songer à la poussière. Il se lamentait.

« Rien, pas une page entière. Jamais je n’ai vu un fou pareil. »

Quand il eut visité le tas de papiers, il passa au tas de tessons et là continua à se plaindre et à s’exclamer. Il approchait de son nez les culs brisés des fioles, flairant, tâchant de surprendre les secrets du chimiste. Il se décida enfin à revenir au milieu de la pièce, furieux de n’avoir rien pu apprendre. C’est alors qu’il aperçut l’armoire aux poisons. Il y courut en jetant un cri de joie. Mais la clef n’était pas sur la serrure, il dut se contenter d’examiner les flacons au travers des glaces.

— Monsieur, dit-il gravement, en s’adressant à Guillaume, je vous prie en grâce de vouloir me laisser analyser ces matières… Je vous adresse cette demande au nom de la science, au nom de la mémoire de M. de Viargue.

Le jeune homme secoua la tête, et, montrant les débris qui couvraient le parquet :

— Vous le voyez, répondit-il, mon père a désiré ne laisser aucune trace de ses travaux. Ces flacons resteront là.