Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/106

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ce qu’elle cherchait. Le maître de l’hôtel dans lequel elle descendit, possédait à un quart de lieue de la Noiraude une sorte de ferme ; il y avait fait construire une habitation bourgeoise, ce dont il éprouvait un vif regret ; il n’habitait presque jamais cette habitation et pleurait l’argent qu’elle lui avait coûté. Lorsque la jeune femme, le soir même de son arrivée, parla de son désir de rester dans le pays, si elle trouvait aux environs de la ville un logis qui lui convint, il offrit aussitôt de lui louer sa maison. Le lendemain matin, il la lui fit visiter. C’était un pavillon élevé d’un étage, contenant quatre pièces ; les pluies du dernier hiver en avaient à peine jauni les murailles blanches, sur lesquelles se rabattaient les persiennes grises des fenêtres ; les tuiles rouges du toit paraissaient toutes gaies au milieu des arbres ; une haie vive entourait les quelques mètres de jardin réservé ; plus loin, à une portée de fusil, se trouvait la ferme, un tas de bâtisses longues et noires d’où sortaient des chants de coq et des bêlements de troupeau. Madeleine fut enchantée de sa trouvaille, d’autant plus qu’on lui louait le pavillon tout meublé, ce qui lui permettait de l’occuper immédiatement. Elle l’arrêta au prix de cinq cents francs pour les six mois de la belle saison, calculant qu’elle aurait encore de quoi payer elle-même ses dépenses journalières. Le soir, elle était installée. Elle fredonnait en vidant ses malles, elle avait des envies de rire et de courir comme un enfant. Depuis qu’elle avait aperçu la petite maison au toit rouge, aux persiennes grises, blanche et souriante au milieu des feuillages verts, elle se disait : « Je sens que je serai heureuse ici, dans ce coin perdu. »

Vers neuf heures, elle reçut la visite de Guillaume auquel elle avait écrit le matin. Elle lui fit les honneurs de sa maison avec une sorte de gaminerie joyeuse, le promenant dans tous les coins, n’oubliant pas une armoire. Elle voulut même qu’il visitât le jardin, bien que la nuit fût très sombre. « Là, disait-elle d’un air d’orgueil, il y a des fraisiers ; là, des violettes ; ici je crois avoir aperçu