Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/117

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ton obligé, Madeleine. Nous nous aimons, le mariage ne saurait accroître notre amour ; mais il nous permettra de nous adorer ouvertement. Et quelle existence sera la nôtre ! Une existence de paix et d’orgueil, une confiance sans bornes pour l’avenir, une affection de tous les instants… Je t’en prie, Madeleine.

La jeune femme écoutait, comme prise de malaise, avec une impatience contenue qui mettait sur ses lèvres un singulier sourire. Quand son amant ne trouva plus de paroles et s’arrêta, la gorge serrée par l’émotion qui le gagnait, elle garda un moment le silence. Puis, de sa voix mauvaise :

— Tu ne peux cependant pas, s’écria-t-elle, épouser une femme dont tu ignores l’histoire… Il faut que je te dise qui je suis, d’où je viens, ce que j’ai fait avant de te connaître.

Guillaume s’était levé et lui avait déjà mis la main sur la bouche.

— Tais-toi ! reprit-il avec une sorte de terreur. Je t’aime, je ne veux pas en savoir davantage… Va, je te connais bien. Tu es peut-être meilleure que moi ; tu as, à coup sûr, plus de volonté et plus de force. Tu ne saurais avoir fait le mal. Le passé est mort ; je te parle d’avenir.

Madeleine se débattait dans son étreinte de suprême tendresse et de foi absolue. Quand elle put parler :

— Écoute, dit-elle, tu es un enfant, il faut que je raisonne pour toi… Tu es riche, tu es jeune, un jour tu me reprocherais d’avoir accepté trop vite ton offre… Moi, je n’ai rien, je suis une pauvre fille ; mais je tiens à garder mon orgueil, je ne voudrais pas que tu vinsses m’accuser plus tard d’être entrée chez toi en intrigante… Tu vois, je suis franche… Je puis être pour toi une adorable maîtresse ; si je devenais ta femme, le lendemain tu te dirais que tu aurais dû épouser une fille mieux dotée et plus digne que moi.

Si Madeleine avait voulu pousser le jeune homme, elle n’aurait pu trouver de meilleure façon. Les suppositions