Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/118

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qu’elle faisait, le mirent presque en larmes. Maintenant il avait une colère d’enfant, il se jurait de vaincre quand même les résistances de sa maîtresse.

— Tu ne me connais pas, cria-t-il, tu me fais beaucoup de mal Madeleine… Pourquoi me parles-tu ainsi ? Ignores-tu ce que je pense, ce que je rêve, depuis un an que nous vivons ensemble ? Je voudrais m’endormir sur ton sein et ne m’éveiller jamais. Tu sais bien que c’est là le désir de tout mon être ; tu as tort de me prêter les idées des autres hommes… Je suis un enfant, dis-tu ; eh bien, tant mieux ! tu ne peux avoir peur d’un enfant qui se confie à toi.

Il continua d’un ton plus doux, il reprit sa prière attendrie. Il parla tant que son cœur fut plein. Madeleine faiblissait. Elle était touchée par cette voix tremblante qui lui offrait si humblement le pardon, l’estime du monde. Cependant il y avait toujours, au fond d’elle, une vague révolte. Quand son amant termina en disant : « Tu es libre, pourquoi me refuses-tu le bonheur ? » elle fit un brusque mouvement.

— Libre ! répondit-elle d’une voix étrange, oui, je suis libre…

— Eh bien ! ajouta Guillaume, ne parle donc plus du passé. S’il y a eu un autre amour dans ta vie, cet amour est mort, j’épouse une veuve.

Ce mot de veuve frappa la jeune femme. Elle pâlit légèrement. Son front dur, ses yeux gris exprimaient une anxiété douloureuse.

— Rentrons, dit-elle, la nuit vient… Je te répondrai demain.

Ils rentrèrent. Le ciel était devenu noir, le vent soufflait lugubrement dans les arbres de l’allée. Lorsque Guillaume quitta la jeune femme, il la serra sur sa poitrine, en silence, ne trouvant plus rien à lui dire, et voulant déjà prendre possession de son être par cette dernière étreinte.

Madeleine passa une nuit d’insomnie. Quand elle fut