Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/166

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cachait sur sa poitrine, il frissonnait de peur en lui demandant l’aide de son affection, et elle se calmait peu à peu, elle se soulageait à le sentir si perdu en elle, si reconnaissant de ses étreintes.

Elle se dégagea la première. Il était déjà une heure du matin. Il fallait prendre un parti.

— Nous ne pouvons attendre son réveil, dit-elle en évitant de nommer Jacques. Que comptes-tu faire ?

Guillaume la regarda d’un air si bouleversé qu’elle désespéra de tirer de son trouble une décision énergique. Elle ajouta cependant :

— Si nous lui disions tout, il s’en irait, il nous laisserait tranquilles. Tu pourrais monter.

— Non, non, balbutia le jeune homme, pas maintenant, plus tard.

— Veux-tu que je monte auprès de lui, moi ?

— Toi !

Guillaume prononça ce mot avec un étonnement épouvanté. Madeleine s’était offerte, poussée par sa nature nette et courageuse. Mais il ne comprenait point la logique de son offre, il la regardait comme une véritable monstruosité. La pensée de sa femme se retrouvant seul à seul avec son ancien amant, blessait ses délicatesses, le torturait d’une vague jalousie.

— Que faire alors ? demanda Madeleine.

Il ne répondit pas sur-le-champ. Il lui avait semblé entendre de nouveau un bruit de pas dans l’escalier, et il écoutait pâle d’anxiété, comme lors de leur première panique. Le voisinage de Jacques, l’idée de cet homme venant à lui et lui tendant la main, lui causait une angoisse de plus en plus cuisante. Une seule pensée battait dans sa tête, celle de fuir, de se soustraire à une explication, de se réfugier au fond de quelque solitude où il pourrait se calmer. Toujours sa nature, dans les situations pénibles, cherchait à gagner du temps et à aller reprendre plus loin son rêve de paix. Quand il releva la tête :

— Allons-nous-en, dit-il d’une voix basse ; mon cer-