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Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/169

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prière d’exorcisme qui devait la protéger contre les attaques du démon. Ils croyaient tous les gens du château couchés, ils furent surpris et effrayés de la trouver là.

Elle devait avoir tout entendu. Guillaume allait la prier de garder le silence, lorsqu’elle le devança en lui demandant de sa voix sèche de sermonneuse :

— Que dirai-je demain à ton ami ? lui avouerai-je ta honte ?

— Tais-toi, folle, cria le jeune homme avec une sourde irritation.

— Cette femme a raison, dit Madeleine, il faut expliquer notre absence.

— Eh ! qu’elle dise ce qu’elle voudra !… Je ne sais plus, moi… Qu’elle prétexte la mort d’un de tes parents, une mauvaise nouvelle subite qui nous a obligés à partir sur-le-champ.

Geneviève le regardait avec une grande tristesse. Elle reprit :

— Je mentirai pour toi, mon enfant. Mais mon mensonge ne te sauvera pas des tourments que tu te prépares. Prends garde ! l’enfer s’ouvre, je viens de voir l’abîme se creuser devant toi, et tu y tomberas si tu te livres à l’impure…

— Tais-toi, folle, cria de nouveau Guillaume.

Madeleine reculait sous le regard ardent de la fanatique.

— Elle n’est point folle, balbutia-t-elle, et tu ferais bien d’écouter sa voix, Guillaume… Laisse-moi partir seule ; c’est moi qui dois courir les chemins par cette nuit d’hiver. Entends souffler le vent… Reste, oublie-moi, ne fâche pas le ciel en voulant partager mon infamie.

— Non, je ne veux pas te quitter, répondit le jeune homme avec une énergie subite. Nous souffrirons ensemble, si nous devons souffrir. Mais j’espère, je t’aime. Viens, nous nous apaiserons, nous serons pardonnés.

Alors la voix de Geneviève s’éleva, brève et fatale :

— Dieu le Père ne pardonne pas ! dit-elle.