Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/170

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Cette parole qu’elle avait entendue avant l’arrivée de Jacques, comme une prophétie de malheur, et qu’elle entendait de nouveau, au moment où elle allait chercher l’oubli, glaça Madeleine d’un frisson d’épouvante. Toute la force qui la tenait encore debout, s’en alla. Elle chancela, elle s’appuya sur l’épaule de son mari.

— Entends-tu ? murmura-t-elle, Dieu ne pardonne jamais, jamais… Nous n’échapperons pas au châtiment.

— N’écoute pas cette femme, lui dit Guillaume qui l’entraînait ; elle ment, le ciel est bon, il a des pardons pour ceux qui aiment et qui pleurent.

Elle hochait la tête, elle répétait :

— Jamais, jamais…

Puis elle poussa ce cri profond d’angoisse :

— Ah ! les souvenirs sont lâchés, je les sens qui me poursuivent.

Ils traversèrent le vestibule, ils sortirent de la Noiraude. Vaguement ils comprenaient le ridicule cruel d’une pareille fuite. Mais dans l’effarement du coup brusque qui venait de les écraser, ils ne pouvaient résister à ce mouvement instinctif des animaux blessés, courant se cacher au fond de quelque trou. Ils ne raisonnaient pas. Ils se sauvaient devant Jacques et lui abandonnaient leur demeure.