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MADELEINE FÉRAT

Ils s’étaient remis à marcher, jetant des coups d’œil sur le coteau, coupant leurs silences par une conversation à bâtons rompus, où ils ne mettaient rien de leurs vraies pensées, et où il était question des arbres, du ciel, du paysage qui s’étendait devant eux.

Madeleine touchait à sa vingtième année. Elle portait une toilette très-simple d’étoffe grise, relevée par une garniture de rubans bleus ; un petit chapeau de paille rond coiffait ses admirables cheveux d’un roux ardent, aux reflets fauves, qui se tordaient et se massaient en un énorme chignon derrière sa tête. C’était une grande et belle fille dont les membres souples et forts annonçaient une rare énergie. Le visage était caractéristique. Le haut avait une solidité, presqu’une dureté masculine ; la peau se tendait fortement sur le front ; les tempes, le nez et les pommettes accusaient les rondeurs de la charpente osseuse, donnant à la figure le froid et la fermeté d’un marbre ; dans ce masque sévère, les yeux s’ouvraient, larges, d’un vert grisâtre et mat, qu’un sourire éclairait par moments de lueurs profondes. Le bas du visage, au contraire, était d’une délicatesse exquise, il y avait de voluptueuses mollesses dans l’attache des joues, aux deux coins de la bouche, où se creusaient de légères fossettes ; sous le menton, mince et nerveux, se trouvait une sorte de renflement qui allait s’attacher au cou ; les traits n’étaient plus tendus et rigides, ils étaient gras, mobiles, couverts d’un duvet soyeux, ils avaient mille petits plans flexibles et devenaient d’une finesse adorable à certains endroits où le duvet manquait ; au milieu, les lèvres un peu fortes, d’un rose vif, paraissaient trop rouges pour ce visage blanc, à la fois sévère et enfantin.

Cette étrange physionomie était faite en effet d’austérité et de puérilité. Quand le bas dormait, quand les lèvres se pinçaient dans les moments de réflexion ou de colère, on ne voyait que le front dur, l’arête nerveuse du nez, les yeux mats, le masque solide et énergique. Puis, dès qu’un sourire ouvrait la bouche, le haut semblait s’adoucir, on