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Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/18

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MADELEINE FÉRAT

n’apercevait plus que les lignes molles des joues et du menton. On eût dit le rire d’une petite fille dans le visage d’une femme faite. Le teint était d’une blancheur laiteuse et transparente, à peine taché de quelques grains de rousseur vers les angles des tempes ; sous l’épiderme satiné, le sang coulait, bleuissant la peau.

Souvent, l’expression ordinaire de Madeleine, une sorte d’orgueil rude, se fondait brusquement dans un regard d’une ineffable tendresse, d’une tendresse de femme faible et vaincue. Un coin de son être était resté enfant. Tandis qu’elle suivait l’étroit sentier au bras de Guillaume, elle avait des gravités qui accablaient singulièrement le jeune homme, et de subits abandons, des soumissions involontaires qui lui rendaient l’espérance. À sa démarche ferme, légèrement cadencée, on devinait qu’elle avait cessé d’être jeune fille.

Guillaume avait cinq ans de plus que Madeleine. C’était un garçon grand et maigre, d’allure aristocratique. Son visage long, aux traits amincis, eût été laid sans la pureté du teint et la hauteur du front. Toute sa physionomie annonçait le fils intelligent et affaibli d’une forte race. Il avait, par moments, de brusques tressaillements nerveux, et paraissait d’une timidité d’enfant. Légèrement courbé, il parlait avec des gestes hésitants, interrogeant Madeleine du regard avant d’ouvrir les lèvres. Il craignait de déplaire, il tremblait que sa personne, que son attitude et sa voix ne fussent désagréables. Se défiant toujours de lui-même, il se montrait humble et caressant. Puis, quand il se croyait méconnu, des élans de fierté le redressaient. La fierté était toute sa force. Il aurait peut-être commis des lâchetés, s’il n’y avait eu en lui un orgueil inné, une susceptibilité nerveuse qui le faisaient se roidir contre tout ce qui blessait ses délicatesses. C’était un de ces êtres aux sentiments tendres et profonds qui ont des besoins cuisants d’amour et de tranquillité, et qui s’endorment volontiers dans une douceur éternelle ; ces êtres, d’une sensibilité de femme, oublient aisément