Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/191

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Il aperçut Madeleine étendue dans un fauteuil, devant le feu ; elle le regardait de ses yeux grands ouverts, fixement. Lucie n’était plus là ; sa mère avait dû la reconduire à la ferme, et Guillaume ne s’informa pas de ce qu’elle était devenue. Il paraissait avoir oublié qu’elle existât.

— Quelle heure est-il ? demanda-t-il à sa femme.

— Huit heures, répondit-elle d’une voix calme.

Il y eut un court silence.

— As-tu dormi ? demanda de nouveau le jeune homme.

— Oui, un peu.

Madeleine, en effet, s’était assoupie pendant quelques minutes. Mais quel long après-midi d’accablements ! Elle venait de passer des heures poignantes, dans cette chambre où elle avait dormi si paisible jadis. Maintenant elle s’abandonnait, ne sachant comment lutter contre sa destinée. « Je me tuerai demain, s’il le faut, » pensait-elle, et la certitude de pouvoir échapper à la honte et à la souffrance quand elle le voudrait, lui avait presque fait retrouver toute sa paix. Elle parlait d’une voix douce, comme une mourante résignée qui se livre au bon plaisir de la mort et dont rien ne peut accroître les maux.

Guillaume fit quelques pas dans la chambre. Il alla écarter les rideaux des vitres. Le temps était devenu clair, il aperçut, au milieu des champs, la masse sombre de la Noiraude ; les fenêtres du rez-de-chaussée étaient seules éclairées. Jacques devait être parti.

Alors le jeune homme se rapprocha de sa femme, toujours assise devant le feu. Il parut réfléchir et hésiter un moment.

— Nous allons passer un mois à Paris, lui dit-il enfin.

Elle n’eut pas un geste de surprise, elle leva à peine la tête.

— Nous partirons dans une heure, continua-t-il.

— C’est bien, répondit-elle simplement.

Que lui importait d’aller à Paris ou de rester à Véteuil ?