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Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/193

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IX

Il faisait un froid vif. Le vent de l’autre nuit avait emporté les nuages, et il gelait de nouveau à pierre fendre. La lune, dans son plein, éclairait tout le ciel d’un reflet bleuâtre d’acier poli. Les terrains, sous cette clarté, limpide comme une eau froide de source, s’étendaient jusqu’à l’horizon avec une singulière netteté de détails. Surpris au milieu du dégel, ils paraissaient s’être roidis pendant les secousses suprêmes de l’ouragan ; ils avaient des arêtes aiguës, des flots de boue figée, des rigidités de cadavre glacé par la mort dans les dernières convulsions de l’agonie. Les moindres branches noires, les plus petites pierres blanches des murailles, se détachaient avec une grande vigueur, comme des découpages de couleur appliqués sur la vaste teinte grise uniforme.

Le cabriolet choisi par Guillaume était une voiture à deux places, couverte d’une capote de cuir qui se baissait à volonté. Il l’avait achetée autrefois pour courir la campagne avec Madeleine ; dans ces excursions, il lui déplaisait d’emmener un cocher, il préférait conduire lui-même. Il n’y avait, sur l’étroite banquette, d’espace que pour lui et sa maîtresse, et pendant qu’il excitait le cheval de légers coups de langue, il sentait les jambes tièdes de la