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XI

À La Noiraude, les époux reprirent leur existence morte. Ils s’enfermèrent de nouveau dans l’ombre silencieuse de la vaste salle à manger. Mais leur solitude n’avait plus la paix souriante d’autrefois. Elle était morne, pleine de désespérance. Il y avait quelques jours à peine, ils passaient leurs journées au coin du feu, ne parlant guère plus, se contentant d’échanger des regards heureux ; aujourd’hui, leurs longs tête-à-tête muets les accablaient d’un ennui écrasant, d’une vague épouvante. Rien ne semblait changé à leur vie : c’était le même calme, la même régularité d’horloge, le même sommeil solitaire. Seulement, leur cœur restait fermé, leurs regards ne se rencontraient plus avec des douceurs exquises, et cela suffisait pour tout glacer autour d’eux. La grande pièce noire leur paraissait funèbre maintenant ; ils y vivaient dans un continuel frisson, attristés par le jour sale d’hiver, se croyant au fond d’une fosse. Ils se levaient parfois, allaient à la fenêtre, jetaient un coup d’œil désolé sur les arbres nus du parc, puis revenaient, avec des frémissements subits, présenter leurs mains froides à la flamme.

Jamais ils ne parlaient du drame qui venait de les bri-