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Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/260

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il s’effarait peu à peu, en voyant l’enfant, troublée par cet examen, pincer les lèvres et froncer les sourcils. Et il se perdait alors dans ses anciennes pensées : il n’était pas le seul père de cette petite, il s’était donné entier et n’avait pu obtenir de Madeleine qu’une fille déjà ébauchée dans les étreintes d’un autre homme. La vue de Lucie, qui le regardait avec des yeux songeurs de grande personne, l’idée qu’un hasard avait fait de lui un simple instrument aidant à la naissance de l’enfant de Jacques, son ancienne affection pour cet homme et la haine jalouse dont maintenant il se sentait envahi, tout le poussait à des angoisses intolérables, à des révoltes déchirantes de chair et d’esprit.

— Je suis une dupe de la vie, songeait-il avec amertume. On m’a tout volé : ma chair, mon cœur, ma raison. Sans cesse les faits et les hommes m’ont torturé. J’ai aimé deux êtres, Jacques et Madeleine, et ces deux êtres me soufflettent à cette heure. Il ne me restait plus qu’à subir cette misère incroyable : être volé dans mon enfant… Mes baisers ont ressuscité Jacques ; j’ai mis Lucie, j’ai mis cet homme entre Madeleine et moi.

Un événement vint encore redoubler ses maux. Un soir, Lucie, accroupie devant le feu comme à son habitude, s’endormit, la tête appuyée contre les jambes de sa mère. Son sommeil était frissonnant, coupé de sourdes plaintes. Quant Madeleine la prit dans ses bras pour aller la coucher, elle s’aperçut qu’elle avait la face toute rouge. Cela l’effraya, elle pensa que l’enfant se trouvait menacée de quelque fièvre, et voulut absolument qu’on portât et qu’on dressât son petit lit dans sa chambre. Elle s’établit auprès d’elle, disant à Guillaume de se coucher. Celui-ci ne dormit pas de la nuit. Il ne put détacher ses regards de sa femme qui veillait avec une sollicitude inquiète. La chambre, éclairée d’une lueur pâle de veilleuse, lui apparaissait vague et voilée, comme dans un rêve. Il ne sentait pas son corps ; affaissé, les yeux grands ouverts, il lui semblait faire un songe funèbre. Chaque fois que Made-