Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/302

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souffles tièdes et parfumés, retrouvant ses sensations d’évanouissement voluptueux, lorsqu’elle s’aperçut qu’il était midi moins un quart. Elle avait tout juste le temps de courir rue Taitbout. Alors, pressant le pas, elle suivit rapidement les boulevards, encore ivre, la tête bouleversée, ne se rappelant plus nettement les paroles qu’elle s’était proposé de dire. Elle avançait comme poussée par une force fatale. Quand elle arriva, elle était rouge, oppressée.

Elle monta cependant l’escalier sans la moindre hésitation. Ce fut Jacques lui-même qui lui ouvrit. En l’apercevant, il poussa un cri de surprise joyeuse.

— Toi ! toi ! s’écria-t-il. Ah bien ! ma fille, je ne t’attendais guère ce matin.

Il avait refermé la porte, il marchait devant elle, lui faisant traverser plusieurs petites pièces très élégamment meublées. Elle le suivait en silence. Quand il l’eut introduite dans la pièce du fond, qui était sa chambre à coucher, il se retourna et lui prit gaiement les mains.

— Nous ne sommes donc plus fâchés ? dit-il. Sais-tu que tu n’étais guère gentille à Mantes ?… Tu veux faire la paix, n’est-ce pas ?

Elle le regardait, toujours muette. Il venait de se lever. Encore en manches de chemise, il fumait une pipe de terre blanche. Dans sa nouvelle position de jeune homme riche, il gardait le débraillé de l’étudiant et du marin. Madeleine crut le retrouver tel qu’elle l’avait connu, tel que le représentait cette carte photographique sur laquelle une nuit elle avait versé des larmes. Sa chemise ouverte laissait voir un bout de sa peau nue.

Jacques s’était assis sur le bord du lit défait dont les couvertures pendaient à terre. Il continuait à tenir les mains de la jeune femme debout devant lui.

— Comment diable as-tu appris mon adresse ? reprit-il. M’aimerais-tu encore, m’aurais-tu rencontré et suivi ?… Avant tout, signons notre traité.

D’une secousse, il l’attira à lui et la baisa sur le cou. Elle se laissa aller, elle ne se défendit pas. Tombée sur