Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/309

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XIII

Un nouveau coup l’attendait à la Noiraude. La petite Lucie était morte dans la journée.

Guillaume, en arrivant, avait trouvé l’enfant à l’agonie. Une de ces fièvres brusques, qui reviennent en pleine convalescence, l’emportait. Brûlante, cherchant de ses mains le froid des draps, elle sortait du lit ses pauvres bras frissonnants. Puis des crises de délire la faisaient se débattre et lutter contre quelque chose d’invisible qu’elle semblait contempler avec des regards fixes et vides. On eût dit que ses yeux lui tenaient toute la face ; ils se voilaient peu à peu, pareils à des sources d’eau limpide que trouble un flot de sable. Quand son père était entré, elle ne l’avait pas reconnu. Penché sur son lit, il la regardait d’un air navré, il sentait son cœur se briser. Au déchirement qu’il éprouvait dans la poitrine à chacun de ses râles, il se disait qu’elle lui appartenait entière ; un immense regret de l’avoir repoussée le courbait au-dessus d’elle, lui donnait l’envie de la serrer contre sa poitrine et de la disputer à la mort. C’était un réveil d’affection d’une angoisse indicible.

Cependant Lucie se mourait. Il vint un moment où son délire tomba. Elle eut un joli sourire d’enfant boudeuse.