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Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/33

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MADELEINE FÉRAT

colère dans son regard. Une indéfinissable expression de regret passait sur son front dur et grave que le sourire de ses lèvres n’adoucissait pas. Parfois, elle levait les yeux, elle allait du visage de son amant aux murs de la pièce, à certaines taches du plafond qu’elle reconnaissait. Elle se sentait seule, elle ne craignait pas de s’abandonner à ses souvenirs. À un moment, en reportant ses regards sur l’oreiller où reposait la tête de Guillaume, elle tressaillit comme si elle se fût attendue à trouver une autre tête à cette place.

Quand elle fut vêtue, elle alla ouvrir la fenêtre, et là s’accouda, en face de la campagne jaune de soleil. Il y avait près d’une demi-heure qu’elle rêvait, les tempes rafraîchies, le visage détendu par des pensées plus calmes, par des espérances lointaines, lorsqu’un bruit léger la fit se tourner.

Le dormeur venait de s’éveiller. Les yeux encore gros de sommeil, ayant aux lèvres ce sourire vague du réveil, si doux de reconnaissance au matin d’une nuit d’amour, il tendit les bras vers la jeune femme qui s’approchait.

— M’aimes-tu ? lui demanda-t-il d’une voix basse et profonde.

Madeleine sourit à son tour, de son bon sourire d’enfant tendre et aimante. Elle ne voyait plus la chambre, elle se sentait pénétrée d’une grande douceur par la demande caressante du jeune homme.

Elle rendit à Guillaume son baiser.