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MADELEINE FÉRAT

La jeune fille reçut cette confidence avec assez de calme. En somme, elle n’aimait point ce garçon. Leur liaison était pour lui une aventure, pour elle un accident dont son ignorance n’avait pu la garantir. La pensée du départ prochain de son amant ne pouvait encore briser son cœur ; mais l’idée d’une séparation immédiate lui causa un étrange déchirement d’entrailles. Vaguement elle se disait que cet homme était son mari et qu’elle ne pouvait le quitter ainsi. Elle tourna un instant dans la chambre, rêveuse, cherchant ses vêtements ; puis elle revint s’asseoir sur le bord du lit, et d’une voix hésitante :

— Écoutez, dit-elle, gardez-moi avec vous tant que vous resterez à Paris… Cela sera plus convenable.

Cette dernière phrase, d’une naïveté si profonde, toucha beaucoup le jeune homme. Il eut conscience du malheur éternel qu’il venait de jeter dans la vie de cette grande enfant, qui s’était livrée à lui avec une tranquillité de petite fille. Il l’attira sur sa poitrine, en lui répondant qu’elle était chez elle.

Dans la journée, Madeleine alla chercher ses effets. Elle eut une entrevue avec son tuteur, auquel elle imposa durement ses volontés. Le vieillard, craignant un scandale, et encore tout secoué par la lutte de la nuit, tremblait devant elle. Elle lui fit promettre de ne jamais chercher à la revoir. Elle emporta les titres de ses deux mille francs de rente. Cet argent était son grand orgueil ; il lui permettait de rester chez son amant sans se vendre.

Le soir même, elle brodait paisiblement dans la chambre de la rue Soufflot, comme elle aurait brodé la veille chez son tuteur. Sa vie ne lui paraissait pas trop bouleversée. Elle ne croyait point avoir à rougir. Aucun de ses sentiments d’indépendance et de franchise n’avait été blessé dans sa faute. Elle s’était donnée librement, elle ne pouvait comprendre encore les conséquences terribles de ce don. L’avenir lui échappait.

Son amant éprouvait pour les femmes ce peu d’estime des jeunes gens qui n’ont fréquenté que des créatures ; mais