Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/109

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éprouvait une lassitude, l’esprit autre part, tressaillant au moindre bruit. Lorsqu’une flamme, une fièvre d’ambition satisfaite montait à ses joues, il se sentait tout de suite pâlir comme si par derrière, brusquement, une main froide l’eût touché à la nuque.

Deux heures s’étaient passées, et Flavie n’avait pas encore paru. Nantas appela Germain pour le charger d’aller chercher M. Danvilliers, si le baron se trouvait chez lui. Resté seul, il marcha dans son cabinet, en refusant de recevoir davantage ce jour-là. Peu à peu, son agitation avait grandi. Évidemment, sa femme était à quelque rendez-vous. Elle devait avoir renoué avec M. des Fondettes, qui était veuf depuis six mois. Certes, Nantas se défendait d’être jaloux ; pendant dix années, il avait strictement observé le traité conclu ; seulement, il entendait, disait-il, ne pas être ridicule. Jamais il ne permettrait à sa femme de compromettre sa situation, en le rendant la moquerie de tous. Et sa force l’abandonnait, ce sentiment de mari qui veut simplement être respecté l’envahissait d’un tel trouble, qu’il n’en avait pas éprouvé de pareil, même lorsqu’il jouait les coups de cartes les plus hasardés, dans les commencements de sa fortune.