Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/126

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avait à finir un travail. Trois fois, il se rassit devant son bureau, et trois fois un soulèvement de tout son corps le remit debout ; tandis que, derrière lui, quelque chose le poussait, un besoin de monter sur-le-champ chez sa femme, pour la traiter de catin. Enfin, il se vainquit, il se remit à la besogne, en jurant qu’il les étranglerait, le soir. Ce fut la plus grande victoire qu’il remporta jamais sur lui-même.

L’après-midi, Nantas alla soumettre à l’empereur le projet définitif du budget. Celui-ci lui ayant fait quelques objections, il les discuta avec une lucidité parfaite. Mais il lui fallut promettre de modifier toute une partie de son travail. Le projet devait être déposé le lendemain.

— Sire, je passerai la nuit, dit-il.

Et, en revenant, il pensait : « Je les tuerai à minuit, et j’aurai ensuite jusqu’au jour pour terminer ce travail. »

Le soir, au dîner, le baron Danvilliers causa précisément de ce projet de budget, qui faisait grand bruit. Lui, n’approuvait pas toutes les idées de son gendre en matière de finances. Mais il les trouvait très larges, très remarquables. Pendant qu’il répondait au baron, Nantas, à plusieurs reprises, crut surprendre les yeux de sa femme