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NAIS MICOULIN.

de savoir s’il avait plu à l’Estaque, le coin du littoral où les Rostand possédaient leur propriété, la Blancarde, que les Micoulin cultivaient. Il n’y avait là que quelques douzaines d’amandiers et d’oliviers, mais la question de la pluie n’en restait pas moins capitale, dans ce pays qui meurt de sécheresse.

— Il a tombé des gouttes, disait Naïs. Le raisin aurait besoin d’eau.

Puis, lorsqu’elle avait donné les nouvelles, elle mangeait un morceau de pain avec un reste de viande, et elle repartait pour l’Estaque, dans la carriole d’un boucher, qui venait à Aix tous les quinze jours. Souvent, elle apportait des coquillages, une langouste, un beau poisson, le père Micoulin péchant plus encore qu’il ne labourait. Quand elle arrivait pendant les vacances, Frédéric, le fils de l’avoué, descendait d’un bond dans la cuisine pour lui annoncer que la famille allait bientôt s’installer à la Blancarde, en lui recommandant de tenir prêts ses filets et ses lignes. Il la tutoyait, car il avait joué avec elle tout petit. Depuis l’âge de douze ans seulement, elle l’appelait « monsieur Frédéric », par respect. Chaque fois que le père Micoulin l’entendait dire « tu » au fils de ses maîtres, il la souffletait. Mais cela