Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/161

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— Voulez-vous que je prenne la lampe pour vous éclairer ? offrit Simoneau avec obligeance.

— Non, inutile, dit le médecin tranquillement.

Comment ! inutile ! Cet homme avait ma vie entre les mains, et il jugeait inutile de procéder à un examen attentif. Mais je n’étais pas mort ! j’aurais voulu crier que je n’étais pas mort !

— À quelle heure est-il mort ? reprit-il.

— À six heures du matin, répondit Simoneau.

Une furieuse révolte montait en moi, dans les liens terribles qui me liaient. Oh ! ne pouvoir parler ne pouvoir remuer un membre !

Le médecin ajouta :

— Ce temps lourd est mauvais… Rien n’est fatigant comme ces premières journées de printemps.

Et il s’éloigna. C’était ma vie qui s’en allait. Des cris, des larmes, des injures m’étouffaient, déchiraient ma gorge convulsée, où ne passait plus un souffle. Ah ! le misérable, dont l’habitude professionnelle avait fait une machine, et qui venait au lit des morts avec l’idée d’une simple formalité à remplir ! Il ne savait donc rien, cet homme ! Toute sa science était donc menteuse, puisqu’il ne pouvait d’un coup d’œil distin-