Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/168

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— Non, non, répétait ma femme, je resterai, je veux rester jusqu’au dernier moment. Songez donc que je n’ai que lui au monde, et que, lorsqu’il ne sera plus là, je serai seule.

Cependant, près du lit, madame Gabin soufflait à l’oreille du jeune homme :

— Marchez donc, empoignez-la, emportez-la dans vos bras.

Est-ce que ce Simoneau allait prendre Marguerite et l’emporter ainsi ? Tout de suite, elle cria. D’un élan furieux, je voulus me mettre debout. Mais les ressorts de ma chair étaient brisés. Et je restais si rigide, que je ne pouvais même soulever les paupières pour voir ce qui se passait là, devant moi. La lutte se prolongeait, ma femme s’accrochait aux meubles en répétant :

— Oh ! de grâce, de grâce, monsieur… Lâchez-moi, je ne veux pas.

Il avait dû la saisir dans ses bras vigoureux, car elle ne poussait plus que des plaintes d’enfant. Il l’emporta, les sanglots se perdirent, et je m’imaginais les voir, lui grand et solide, l’emmenant sur sa poitrine, à son cou, et elle, éplorée, brisée, s’abandonnant, le suivant désormais partout où il voudrait la conduire.

— Fichtre ! ça n’a pas été sans peine ! murmura