Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/199

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tement, l’énorme Gaucheraud, comme nous le nommons là-bas, et que je connais pour avoir chassé une fois avec lui. Ce Gaucheraud est un homme court, jovial, qui a laissé pousser ses favoris depuis peu, afin d’avoir l’air grave. Il est né à Paris, d’un petit avoué sans fortune ; mais il possède chez nous un oncle riche et très influent, qu’il a décidé, je ne sais trop comment, à lui céder une candidature. J’ignorais d’ailleurs qu’il fût marié. Ma tante m’a placé, à table, près d’une jeune dame blonde, l’air fin et joli, que l’énorme Gaucheraud appelait Berthe, très haut.

On avait fini par être au complet. Il faisait jour encore dans le salon, exposé au couchant, et brusquement nous sommes entrés dans une pièce aux rideaux tirés, éclairée par un lustre et des lampes. L’effet a été singulier. Aussi, tout en prenant place, a-t-on causé de ces derniers dîners de la saison d’hiver, que le crépuscule attriste. Ma tante détestait cela. Et la conversation s’est éternisée sur ce sujet, sur la mélancolie de Paris traversé au jour tombant, lorsqu’on se rend en voiture à une invitation. Je me taisais, mais je n’avais nullement éprouvé cette sensation, dans mon fiacre, qui m’avait pourtant cahoté durement pendant une demi-heure. Paris, aux premières