Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/213

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C’était une foule très mêlée, des artistes, des bourgeois, des gens du monde. Au milieu des paletots mal brossés et des redingotes sombres, il y avait de claires toilettes, ces toilettes printanières si gaies à Paris, avec leurs soies tendres et leurs garnitures vives. Et j’étais surtout ravi par la tranquille assurance des femmes, coupant au plus épais des groupes, sans s’inquiéter de leurs traînes, dont les flots de dentelles finissaient toujours par passer. Elles allaient ainsi, d’un tableau à un autre, du pas dont elles auraient traversé leur salon. Il n’y a que les Parisiennes qui gardent une sérénité de déesses dans les cohues populaires, comme si les paroles entendues, les contacts subis, ne pouvaient monter jusqu’à elles et les salir. J’ai suivi un instant du regard une dame, que Félix m’a dit être la duchesse d’A*** ; elle était accompagnée de ses deux filles, âgées de seize à dix-huit ans ; et toutes trois regardaient sans sourciller une Léda, tandis que, derrière elles, un atelier de jeunes peintres s’égayaient du tableau en termes très libres.

Félix s’est engagé dans les salles de gauche, une enfilade de grandes pièces carrées, où la foule était moins compacte. Un jour blanc tombait des plafonds vitrés, une lumière crue que