Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/214

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des vélums de toile tamisaient ; mais la poussière soulevée par le piétinement du monde mettait comme une fumée légère, au-dessus de la houle des têtes. Il fallait que les femmes fussent très jolies, pour résister à cet éclairage, à ce ton uniforme, que les tableaux, aux quatre côtés des murs, tachaient violemment. Là, c’était une bigarrure extraordinaire de couleurs, des rouges, des jaunes, des bleus qui détonnaient, toute une débauche d’arc-en-ciel dans l’or éclatant des cadres. Il commençait à faire très chaud. Des messieurs chauves, au crâne pâli, se promenaient en soufflant, leur chapeau à la main. Tous les visiteurs avaient le nez en l’air. On s’écrasait devant certaines toiles. Il se produisait des courants, des poussées, une débandade de troupeau humain lâché au travers d’un palais. Et, sans relâche, on entendait le roulement continu des pieds sur les parquets, qui accompagnait la clameur sourde et prolongée de ce peuple, grondant comme la mer.

— Tiens ! m’a dit Félix, voilà la grande machine dont on parle tant.

Cinq rangs de personnes contemplaient la grande machine. Il y avait des femmes avec des binocles, des artistes qui causaient bas, mécham-