Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/225

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mes genoux était simplement d’une franchise et d’une crânerie charmantes.

Seulement, quelques heures plus tard, je me prenais à douter, je faisais les raisonnements contraires. Une fille seule pouvait s’offrir ainsi, j’étais un sot de croire qu’une femme se jetait à ma tête, même étourdiment. Madame Neigeon ne pensait pas à moi. Elle avait peut-être des amants, mais ses liaisons étaient à coup sûr plus calculées et plus compliquées. Il devait y avoir loin entre la femme que j’avais rêvée, la femme toute d’instinct, allant à son plaisir, et la femme adroite, la Parisienne pleine de dessous, qu’elle était sans doute.

Alors, elle m’a échappé tout à fait. Je ne la voyais plus, je ne savais même plus s’il était bien vrai que je fusse resté cinq minutes, dans l’ombre d’une loge, à la sentir vivre contre moi. Et j’ai été très malheureux, au point qu’un instant j’ai songé à retourner m’enfermer au Boquet.

Avant-hier, il m’a enfin poussé une idée que je m’étonne ne pas avoir eue tout de suite. C’était d’aller assister à une séance de la Chambre ; peut-être M. Neigeon parlerait-il, peut-être sa femme serait-elle là. Mais il était dit que je ne verrais point encore ce diable d’homme. Il devait prendre