Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/245

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Non, non, vous ne partez pas. Je vous garde à dîner… Mon mari va rentrer sûrement. Vous le verrez enfin. Il faut pourtant que je vous présente à lui.

Je lui ai expliqué que mon père m’attendait. Il y avait, au Boquet, un dîner auquel je me trouvais forcé d’assister. J’ai ajouté en riant :

— C’est un dîner électoral, je vais travailler pour vous.

— Oh ! alors, a-t-elle dit, partez vite… Et, vous savez, si vous réussissez, venez chercher votre récompense.

Il m’a semblé qu’elle rougissait en disant cela. Voulait-elle seulement parler du poste diplomatique que mon père me presse d’accepter ? J’ai cru pouvoir prêter un sens plus tendre à ses paroles, j’ai pris sans doute un air si insupportablement fat, que je l’ai vue une seconde fois devenir grave, avec ce pli des lèvres qui lui donne une expression de mécontentement hautain.

D’ailleurs, je n’ai pas eu le temps de réfléchir à ce brusque changement de physionomie. Comme je partais, une légère voiture s’est arrêtée devant le perron. Je croyais déjà au retour du mari. Mais il n’y avait, dans la voiture, que deux enfants, une petite fille de cinq ans environ