Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nement. Il ne reconnaissait pas la longue fille mince et déhanchée qu’il avait vue, l’autre saison, à la Blancarde. Naïs était superbe, avec sa tête brune, sous le casque sombre de ses épais cheveux noirs ; et elle avait des épaules fortes, une taille ronde, des bras magnifiques dont elle montrait les poignets nus. En une année, elle venait de pousser comme un jeune arbre.

— C’est toi ! dit-il d’une voix balbutiante.

— Mais oui, monsieur Frédéric, répondit-elle en le regardant en face, de ses grands yeux où brûlait un feu sombre. J’apporte des oursins… Quand arrivez-vous ? Faut-il préparer les filets ?

Il la contemplait toujours, il murmura, sans paraître avoir entendu :

— Tu es bien belle, Naïs !… Qu’est-ce que tu as donc ?

Ce compliment la fit rire. Puis, comme il lui prenait les mains, ayant l’air de jouer, ainsi qu’ils jouaient ensemble autrefois, elle devint sérieuse, elle le tutoya brusquement, en lui disant tout bas, d’une voix un peu rauque :

— Non, non, pas ici… Prends garde ! voici ta mère.